• Le jargon pédagogique des méthodes de lecture

    Cela fait plusieurs années qu'on entend / on lit régulièrement des propos sur l'apprentissage de la lecture, à la radio, à la télé, mais aussi avec les parents, parfois même dans le cercle de nos connaissances, la famille, les amis un peu "avertis" sur le sujet.

    Tout le monde a l'air d'avoir son avis et de s'y connaître...
    Et bien sûr dans les réunions à l'école, entre collègues, sur les réseaux sociaux ou sur les blogs qui parlent pédagogie  
    Depuis ma formation à l'IUFM, nous avons appris un petit vocabulaire à propos des différentes méthodes.
    Il est parfois difficile de s'y retrouver.

    Souvent, le débat est réduit à une querelle (sans doute une référence à la querelle des Anciens et des Modernes) entre méthode globale et méthode syllabique. Et puis est apparu le concept un peu mi-figue mi-raison, tiède, de méthode mixte.

    En creusant davantage, on voit à la fois que tout le monde est d'accord pour dire qu'on ne doit jamais proposer une méthode à 100 % globale.
    Et à contrario, que beaucoup de manuels proposent un début d'année de CP avec un départ global.

    En dépassant ce vieux clivage globale VS syllabique, on voit aussi apparaître une myriade d'autres termes spécifiques concernant les méthodes de lecture. Et ce jargon est loin d'être facile à maîtriser, on se perd souvent, en tant que débutant, dans la forêt (la jungle ?) des méthodes, des entrées, bref des principes pédagogiques qui sous-tendent les différentes méthodes utilisées.


    Pour ma réflexion et mon usage personnel, et pourquoi pas si ça peut servir à d'autres personnes, j'ai envie de faire un petit état des différents termes de ce jargon pédagogique auquel on peut être confronté en tant que PE.

    La base du vocabulaire : lettre / son ou graphème / phonème
    - Un son, c'est un phonème, une unité sonore qui n'a pas de sens.
    - La lettre est un signe, une unité visuelle. Pour écrire ou lire, on passe par ces signes, par de l'écrit.

    Il y a 26 lettres, 4 accents, et plusieurs signes de ponctuation.
    Parmi ces lettres, il y a les voyelles et les consonnes.
    *Les voyelles sonnent, c'est-à-dire qu'on peut les faire durer.

    *Les consonnes ne sonnent pas toutes. Certains sont longues (Ssss Vvvv Ffff CHchch Jjjj) et d'autres ne s'entendent pas seules. 
    (Des expériences ont été faites sur des enregistrements de syllabes et mots, où l'on enlève la partie correspondant à la voyelle, pour ne garder que la partie consonne. Les sons "consonnes" obtenus ne sont pas identifiables, ne peuvent pas clairement se distinguer).  
    Elles sonnent AVEC une voyelle, car la voyelle, placée avant ou après permet de prolonger le son.
    Pour faire une syllabe (lire ou écrire) on utilise donc une voyelle (seule) au moins. Ou une voyelle et une consonne.
    Voilà, c'est la base de notre code alphabétique. C'est ce qu'on apprend au CP.

    Après, c'est comme avec les Légo, si on veut s'amuser un peu plus que faire une tour avec 2 cubes de 2 couleurs, il faut apprendre un peu plus que 2 ou 3 lettres... Rapidement on a envie d'avoir de la matière quoi, pour que le jeu de combinatoire soit un peu plus funky que la le li lo lu, ma me mi mo mu, pa pe pi po pu...
    Et puis on peut faire d'autres combinaisons, d'autres constructions plus rigolotes mais plus difficiles aussi...


    Parfois, on met plusieurs lettres ensemble (je parle de mariage) et elles se combinent pour produire un nouveau son.
    O + U = ou par exemple.

    (2 lettres c'est un digramme, 3 lettres un trigramme, et pis après on ne les "appelle" plus, ce sont des graphèmes complexes à 4 ou 5 lettres, woilà woilà).
    On parle alors plus généralement de graphème (assemblage d'une OU plusieurs lettres, qui produit un son).

    L'entrée par le graphème / par le phonème
    C'est la manière dont on commence sa "leçon" de code.
    * Soit on part d'une unité écrite (la lettre / le graphème), à laquelle on associe un son.
    C'est l'entrée par le graphème. 

    * Soit on part d'une unité sonore, à laquelle on associe un graphème.
    C'est ce qu'on appelle généralement la phono ou l'étude des sons et qu'on travaille dès la maternelle avec des rythmes et des comptines.

    Le danger d'une entrée par le phonème est de rester sur un travail uniquement à l'oral (leçons de phonologie), alors que lire, c'est justement faire le lien entre un écrit et les sons produits.
    Souvent, des exercices de phonologie sont conseillés jusqu'après le CP, alors qu'ils n'apprennent pas directement à lire ou écrire puisqu'ils ne travaillent pas le lien entre l'oral et l'écrit.
    Or si on sait que les capacités phonologiques des élèves sont en corrélation avec leur réussite en lecture (sans pour autant donner une indication sur la relation de cause -> conséquence ou au contraire conséquence -> cause), on sait aussi que les manipulations seulement à l'oral sont difficiles pour un certain nombre d'élèves, car elles ne reposent sur aucun support visuel (que ce soient des lettres ou des points de couleur,...)

    Un autre problème avec cette entrée par le son, c'est qu'un même son peut se traduire à l'écrit par une grande quantité de graphèmes (è ê ei ai -et ette es...). La mémorisation de TOUS ces graphèmes en même temps est donc difficile pour les élèves. Il vaut donc mieux fragmenter et étudier chaque graphème séparément. Ainsi les élèves automatisent mieux le décodage de ces graphèmes et aussi mémorisent mieux les mots correctement orthographiés.

    L'opposition méthode globale / méthode alphabétique (ou B-A = ba).
    Cette opposition est la plus connue et la plus médiatisée.
    * La méthode globale serait celle qui fait mémoriser des mots en entier (de manière globale).
    * A celle-ci s'opposerait la méthode alphabétique.
    Celle du "B-A = ba" qui ne fait pas apprendre des mots en entier mais apprend aux élèves le code alphabétique. C'est à dire qu'il décompose les mots en unités plus petites, les graphèmes et lettres, doit on doit apprendre les correspondances avec les sons qu'elles codent.

    Le code alphabétique (qu'on appelle aussi correspondances grapho-phonologiques ou correspondances lettres-sons) c'est savoir qu'une lettre (ou plusieurs) codent un son. Le fameux B + A = ba

    Petit aparté - méthode syllabique
    Dans les méthodes alphabétiques (où on apprend le code lettres-sons), on distingue également la méthode syllabique (souvent confondue avec la méthode alphabétique) qui préconise de se concentrer sur la mémorisation des syllabes et la lecture au niveau de la syllabe, sans chercher à isoler les phonèmes.
    * En effet, dans une méthode alphabétique, on considère qu'on apprend chaque correspondance graphème -phonème en les isolant.
    Prenons un exemple du mot "cheval", dans une méthode alphabétique, on considère les phonèmes séparément, on voit donc qu'il est constitué des phonèmes ch-e-v-a-l.
    Avec une méthode alphabétique, on peut demander à l'élève s'il entend ou prononce les phonèmes (ch), (e) ou (v) ce qui est d'ailleurs souvent difficile pour certains. On apprendra à lire aux élèves en regardant chaque lettre l'une après l'autre, ch + e + v + a + l.
    * Dans une méthode syllabique, on considère que puisque les lettres doivent être combinées pour sonner (par exemple le "p" qu'on n'entend pas bien lorsqu'il est tout seul), et que les mots sont composés de syllabes, on se concentre sur la mémorisation de syllabes, plutôt que sur la mémorisation des phonèmes seuls.
    On va donc travailler à une échelle un peu plus grande que le phonème, sans chercher à faire isoler et distinguer les phonèmes seuls (surtout les plus difficiles à prononcer isolément, par exemple les consonnes p b t c g...). 
    Reprenons notre exemple, le mot "cheval". On ne demandera pas à l'élève de chercher si on entend (ch) ou ((l). Pour lire "cheval", il faudra découper le mot en syllabes, ou chercher à "trouver" dans le mot des syllabes déjà apprises.
    Pour cela, on va faire mémoriser les syllabes entières : pa pe pi po pu pé, ma me mi mo mu mé...
    On est dans le B + A = ba... mais plus particulièrement dans la partie mémorisation des syllabes ba bo bi bu

    C'est une méthode qui a été beaucoup utilisée car la syllabe est le niveau le plus accessible aux enfants, là où le phonème n'est pas toujours facilement repérable. C'est la plus petite unité que l'on peut prononcer.
    C'est pour cette raison qu'on remplace souvent le terme alphabétique avec celui de "méthode syllabique".

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    * Ce débat globale VS alphabétique, n'est pas totalement justifié. La plupart des méthodes de lecture ne sont pas totalement globales.
    Il s'agit plutôt d'une entrée par mémorisation globale pour certains mots, c'est à dire qu'avant d'enseigner le codage, ou en parallèle, certaines méthodes passent par la mémorisation de mots de manière globale.

    J'ai continué cette réflexion suite à la lecture d'un ouvrage, dans cet article.
    A partir de ces réflexions sur le débat global / syllabique, viennent s'ajouter de nouveaux concepts.


    L'approche analytique et l'approche synthétique.

    Pour lire mes réflexions au fil de mes lectures, à propos de ces deux approches, c'est ici.

    Au sein même d'une méthode alphabétique, on peut distinguer deux approches selon par quoi on commence.
    * L'analyse, c'est aller du plus grand vers le plus petit. Ici, c'est partir d'un mot et "zoomer", le découper en parties plus petites, les syllabes, puis encore plus petites, les graphèmes et les phonèmes.


    * La synthèse, c'est aller du plus petit vers le plus grand. Ici, c'est partir des graphèmes ou phonèmes, les assembler (combiner) dans un certain ordre, pour fabriquer des syllabes, puis assembler des syllabes dans un certain ordre, pour donner un mot.


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